13 questions qu’il convient de se poser avant de proposer un travail de groupe à des étudiant·e·s.

En cette rentrée scolaire, Innovation Pédagogique vous propose de nous pencher sur l’une des plus grandes difficultés que l’on est amené à rencontrer lorsque l’on enseigne dans le supérieur :
Accompagner des étudiants qui travaillent en groupe.
En effet, peu d’enseignant·e·s sont préparé·e·s à ce type d’accompagnements. Plus habitués aux modalités d’enseignement traditionnel, rien ne les a formés à l’évolution récente des modalités pédagogiques davantage tournées aujourd’hui vers les méthodes actives et l’enseignement par projet.
Nous ne reviendrons pas en détail sur les avantages de ces modèles pédagogiques si ce n’est pour rappeler qu’ils permettent aux étudiants de mettre à profit leurs connaissances de manière située et de vivre des situations proches de ce qu’ils vivront en entreprise. Vous avez déjà dû remarquer que les travaux de groupe sont souvent l’occasion d’une plus grande motivation chez vos étudiants.
Pourtant, ces modalités de travail s’accompagnent et ne vont pas sans un certain nombre de désagréments, de manière non-exhaustive voici ceux qui se présentent le plus souvent :
- Les groupes d’étudiant·e·s sont hétérogènes dans leurs niveaux techniques ou dans leurs motivations à réussir,
- Vous éprouvez des difficultés à noter de manière équitable,
- Les étudiant·e·s rencontrent des baisses de motivation pendant le projet ou des problèmes d’organisation qui les empêchent de tenir les délais que vous leur imposez.

D’un point de vue pratique, il est possible de prévenir ces soucis et nous vous proposons dans cet article une feuille de route à suivre pour les éviter en amont et les réguler durant le projet. Nous vous proposons également quelques outils pratiques à télécharger, ils constituent une base de travail sont modifiables pour correspondre au mieux à vos besoins et à ceux de vos étudiants, nous espérons qu’ils vous seront utiles.
Sans plus attendre, voici les treize questions qu’il convient de se poser pour permettre à vos étudiants de passer d’un travail de groupe à un apprentissage en équipe !

Différences entre un groupe et une équipe

Depuis l’émergence des méthodes pédagogiques tournées vers l’intégration de savoir-faire pratiques proches des situations d’entreprise, mettre les étudiant·e·s en situation de réaliser des projets concrets est désormais monnaie-courante dans l’enseignement supérieur et la valeur ajoutée de ces méthodes dans le développement des compétences professionnelles n’est plus à prouver. Or ces méthodes impliquent un changement important dans la posture des enseignant·e·s comme des étudiant·e·s. Les premiers passent en effet d’un rôle de « magister » qui dispense son cours depuis une chaire dans l’acceptation traditionnelle de l’enseignant du supérieur, et les second du rôle d’auditeurs passifs relativement individualistes quand à leurs modalités de réussite académique à celui d’acteurs de leurs apprentissages dépendants d’un collectif dont ils ne connaissent rien pour assurer la réussite de leurs études. Tous ces changements ne sont pas naturels et il est normal que des difficultés se fassent ressentir rapidement.
Pourquoi est-il important alors de clarifier la distinction entre un groupe et une équipe d’étudiant·e·s ? Clairement la différence n’est pas forcément évidente a priori et pourtant la distinction implique de grandes différences tant dans les modalités pédagogiques à déployer que dans les relations qui vont se développer entre les étudiant·e·s. Ici nous entendrons le groupe comme un collectif d’étudiant·e·s qui ne se connaissent pas forcément et qui sont contraints de travailler ensemble. Pour pouvoir devenir une équipe, le groupe va devoir apprendre à se connaître, à identifier les forces et les faiblesses de chacun de ses membres et avant tout, se reconnaitre un but commun, qui intéresse de manière égale chacun des membres et dans lequel chacun d’entre eux est capable d’identifier clairement la valeur ajoutée qu’il apporte au projet en construction. Une équipe fonctionne grâce à un faisceau d’interdépendances positives entre ses membres qui se reconnaissent une valeur individuelle et ressentent une dépendance vis à vis des compétences de chacun des membres du groupe, ces deux aspects doivent à terme faire naître une motivation réelle pour la réalisation du projet, même si la thématique n’est pas a priori le sujet de prédilection d’un ou plusieurs des membres du groupe.
Or, il est tout à fait possible que lors de la réalisation d’un projet en groupe, les élèves n’atteignent jamais l’état d’équipe et parviennent tout de même à un livrable satisfaisant pour obtenir la validation du projet. C’est souvent la configuration dans laquelle se trouvent les groupes qui comptent un ou deux élèves moteurs qui ont à coeur de réaliser le projet ou tout simplement d’obtenir une bonne note et dont le reste des membres ne trouvent pas leur place ou n’éprouvent qu’un intérêt modéré, soit pour le projet, soit pour l’obtention d’une note satisfaisante à l’issue de celui-ci. Ici, le travail est souvent considéré comme pénible, et ni les enseignant·e·s, ni les élèves ne sont satisfait de la production à l’issue du projet. Dans ce genre de situations, il n’est pas rare que l’enseignant choisisse de sanctionner la faible participation en donnant une note moyenne à l’ensemble du groupe ou en différenciant les résultats en fonction de l’implication perçues de chacun des étudiant·e·s. Les questions posées aux conseillers pédagogiques sur ces sujets sont nombreuses « comment s’assurer de l’implication de chacun des étudiant·e·s ? », « comment sanctionner les clandestins et valoriser ceux qui travaillent vraiment ? ». Malheureusement, ces questions qui n’interviennent qu’au moment de l’évaluation arrivent trop tard. En effet, pour éviter d’avoir à y répondre, quoi de mieux que de ne pas avoir à se les poser en prévenant ces problèmes en amont ? Et bien les solutions possibles sont nombreuses mais commencent avant tout par le fait d’accompagner les étudiant·e·s dans la construction de leur équipe de travail.
Même s’il s’agit d’étudiant·e·s qui ont déjà eu l’occasion de travailler ensemble, même s’ils ont choisi eux-même la constitution de leurs groupes, il incombe à l’enseignant de « préparer le terrain » pour assurer un encadrement important de la création de cette équipe. En effet, même s’il s’agit souvent d’un impensé dans l’enseignement supérieur, la constitution d’une équipe de travail efficace relève d’un apprentissage qu’il convient d’accompagner au même titre que les connaissances techniques que les étudiant·e·s acquièrent tout au long de leur « apprentissage en équipe ».
Mais comment l’accompagner alors qu’il s’agit souvent d’un impensé même dans le monde professionnel ? C’est ce que nous allons voir dans la partie suivante.

Penser le projet que l’on va proposer aux étudiant·e·s pour prévenir les difficultés

  • Penser la distribution du travail de manière équitable

Dans la mesure où comme nous le disions, un vrai travail d’équipe nécessite l’implication et l’interdépendance de chacun pour la bonne réalisation du projet, on ne peux concevoir qu’un projet ne permette pas à chacun des membres du groupe de trouver sa place. Il doit donc être conçu en fonction. Il n’est pas rare en effet de constater que les projets proposés aux étudiant·e·s pourraient être réalisés par un seul d’entre eux, il s’agit en fait d’un projet prévu pour un étudiant seul mais où le fait de faire travailler les étudiant·e·s en groupe rend l’évaluation plus commode. Par conséquent, la première question à se poser lorsque vous concevez le projet que vous allez soumettre aux étudiant·e·s est :

- Question n°1 : Ce projet permet-il à chacun de prendre un rôle spécifique dans sa réalisation ?
Un moyen efficace de faire cela est de préparer des rôles également importants que les étudiant·e·s devront se répartir dès le début du projet. Dans l’idéal, ces rôles pourront tourner durant le projet et permettre à chacun de se sentir investi. Une variante de cette proposition consiste à n’attribuer des rôles que lors des réunions de travail (secrétaire de séance, animateur de séance, rapporteur en relation avec le tuteur ou l’équipe enseignante, expert technique…). Assurez-vous ensuite que la charge de travail est équitablement répartie et que l’un des rôles ne demande pas davantage d’investissement que l’autre.

  • Penser la distribution des tâches sur toute la durée du projet

Assurez-vous également que chacun des rôles attribués permette aux étudiant·e·s de s’investir tout au long du projet, ou alors qu’ils permettent une évolution des tâches tout au long du projet. La question à se poser ici est la suivante :
- Question n°2 : Les tâches que j’ai définies pour le projet permettent-elles un investissement des étudiant·e·s tout au long du projet ?
En effet, il n’est pas rare de voir des étudiant·e·s se désintéresser et ne pas participer à la fin d’un projet car leur tâche est achevée, il convient alors de préparer des actions et des tâches à leur affecter pour que leur participation au projet se poursuive au-delà de leur implication première. Il s’agit d’un cas de figure que l’on constate notamment dans des projets techniques où des étudiant·e·s doivent réaliser une tâche qui servira au fonctionnement du projet final comme développer un site web, et qui sont donc désoeuvrés une fois que le site est fonctionnel, il convient alors de leur assigner de nouvelles tâches. Ce genre de problèmes peuvent à l’inverse se produire lorsque les tâches assignées aux étudiant·e·s n’interviennent qu’en fin de projet avec des tâches comme : réaliser la présentation Powerpoint qui permettra de rendre-compte des résultats du projet. Il convient dans ce cas de prévoir des tâches qui permettront aux étudiant·e·s de ne pas s’ennuyer au début comme par exemple : rédiger le journal de chacune des réunions de travail à l’aide de photos et de compte-rendus détaillés afin de conserver une trace de chacune des étapes du travail. L’étudiant chargé de cette mission pourra ainsi rendre compte de l’évolution du projet tout au long de celui-ci et sera ainsi dépendant du travail du secrétaire de réunion pour réaliser son journal. Rappelons ici que l’interdépendance positive entre les étudiant·e·s est la clé d’un travail d’équipe efficace.

  • Penser la taille des équipes d’apprentissage en fonction du projet et des objectifs d’enseignement

La taille des équipes est en effet un facteur important. En dehors des considérations organisationnelles qui dictent souvent ce choix (pas assez de tuteurs pour encadrer les projets, ou pour corriger les livrables…) le nombre d’élèves qui devront travailler ensemble affectera considérablement la manière dont l’apprentissage se déroulera. En effet, une équipe trop petite comprendra trop peu d’interactions et la participation équitable de tous n’est pas garantie. A l’inverse, dans une équipe trop grande, les modalités de concertations deviendront difficiles (se rencontrer en dehors des cours pour faire avancer le projet, communiquer lors des réunions…). Sur cette base, la recherche s’accorde pour dire que la configuration optimale d’une équipe se situe entre quatre et douze membres selon la quantité de travail à effectuer et bien sûr les réalités techniques liées au déroulement de l’enseignement. Si les obligations techniques vous contraignent à imposer un nombre précis d’étudiant·e·s dans une équipe, il convient de concevoir le projet en vous posant les questions suivantes :
- Question n°3 : Comment les étudiant·e·s vont-ils se répartir les tâches ?
- Question n° 4 : Y’a-t-il suffisamment de rôles et de travail pour que chacun s’y retrouve de manière équitable ?

Si ce n’est pas le cas, il existe plusieurs manières de remédier à ce problème, comme par exemple repenser le livrable pour qu’il permette d’intégrer plus ou moins de monde. Bien sûr cette solution est à employer avec parcimonie car les étudiant·e·s se rendront vite compte qu’on leur a alloué des tâches inutiles dans le but des les garder occupés et cela pourrait affecter leur motivation. Si les conditions techniques sont telles que vous ne pouvez absolument pas réduire la taille des équipes ou les modalités du livrable, il est envisageable de mettre les étudiant·e·s en binôme sur chacun des rôles que vous leur avez proposé.

  • Préparer des feuilles de route pour chacun des rôles

N’oubliez pas que dans un contexte de projet, les étudiant·e·s, surtout en première année sont dans une situation proche du milieu professionnelle qui est inconfortable pour eux. En effet, les projets et leurs gestion demandent souvent de savoir organiser son temps, planifier ses tâches en anticipant la réalisation des tâches à venir. Or, il n’est pas rare de constater que même des professionnels aguerris rencontrent des difficultés lorsqu’il s’agit de réaliser ces actions. Gardez donc à l’esprit que vos étudiant·e·s doivent apprendre à faire cela tout en apprenant à maîtriser les aspects techniques requis pour la bonne réalisation du projet. Il convient donc, tout comme pour l’enseignement de la technique, de leur fournir de la matière pour qu’ils soient en mesure de gérer leur projet de manière professionnelle. En effet, les principales causes d’échecs dans ce genre de situations d’apprentissage, ne se situent non pas sur la maîtrise des aspects techniques requis mais sur ce qui a trait aux « soft-skills » nécessaires à la bonne gestion de tout projet. Ainsi, la question qu’il convient de se poser ici est :
- Question n° 5 : Mes étudiant·e·s savent-ils ce qu’ils doivent faire, et comment et quand ils doivent le faire ?
Selon le niveau technique et les habitudes que les étudiant·e·s ont déjà formées dans le travail en équipe, on peut adapter les conseils suivants. En effet, on ne préparera pas le terrain de la même manière pour un projet de fin d’étude que pour un projet de première année. Dans le second cas, il sera nécessaire d’expliciter clairement les rôles que vous souhaitez que les étudiant·e·s s’attribuent à l’aide de feuilles de routes par exemple (l’idéal étant qu’ils puissent les consulter à tout moment sur l’intranet ou l’espace numérique du cours). Dans l’idéal, ces feuilles de routes résument les savoirs-faire attendus ainsi que les livrables propres à chacun des rôles que vous avez préalablement définis, ainsi que les interfaces avec les autres rôles de l’équipe de sorte que l’étudiant comprenne comment son travail est en relation avec celui des autres et de quels devoirs son travail l’investi au regard des autres et du projet final. N’oubliez pas que les rôles doivent pouvoir être interchangeables au cours du projet afin que chaque étudiant puisse développer les compétences qui y sont associées, il est donc d’autant plus important que ces feuilles de route soient accessibles rapidement, par tous.
Enfin, il pourra être utile de fournir aux étudiant·e·s, un rétro-planning avec des points d’étapes reliées au travail de chacun des rôles et de l’organisation des cours et des réunions de travail, afin qu’ils puissent mesurer leurs progression au regard du tableau global de l’unité d’enseignement. Il pourrait sembler qu’il s’agit de leur « mâcher le travail » mais ce n’est pas le cas. Réaliser un rétro-planning relève d’un apprentissage et en produisant une maquette pour eux, ils se rendront compte de l’utilité d’un tel outil pour leurs projets futurs. Ainsi, vous leur évitez de nombreuses embûches, vous disposez d’un outil vous permettant de contrôler leur progression et de leur rappeler les attendus, et vous êtes ainsi à même de vous concentrer sur les dimensions techniques que vous souhaitez réellement évaluer dans le cadre du projet sans avoir à perdre du temps en gestion de problématiques organisationnelles. Par ailleurs, les étudiant·e·s ne pourront plus arguer d’avoir manqué de temps lors de leur présentation finale puisqu’ils disposaient d’un outil pour l’organiser convenablement.

  • Valoriser l’apprentissage en équipe pour encourager la motivation

Encourager la motivation semble un oxymore en soit et pourtant il est possible de donner un petit coup de pouce aux étudiant·e·s les moins motivés par le projet à s’impliquer dans le travail en équipe. Ici la question à se poser est celle-ci :
- Question n° 6 : Qu’est-ce qui dans mon projet est susceptible de motiver les étudiant·e·s à travailler en groupe ?
Bien sûr la première réponse qui vient à l’esprit quand on se pose cette question porte sur les modalités d’évaluations. Si vous n’évaluez que les aspects techniques dans votre projet, il y a fort à parier que vos groupes d’étudiant·e·s se retrouveront rapidement dans les configurations que nous avons déjà évoquées, à savoir un ou deux étudiant·e·s motivés par un GPA supérieur à la moyenne et l’autre partie du groupe en dilettante uniquement intéressés à l’idée de décrocher la moyenne. Il se pourrait également que certains élèves particulièrement passionnés ou déjà compétents sur le sujet prennent le leadership du travail, laissant à l’arrière ceux qui se passionnent moins ou sont plus déficients sur la maîtrise des concepts abordés. Alors que si l’évaluation porte sur la capacité à aider les élèves les plus en retard ou à faire travailler tout le groupe de manière égale, il est fort probable que les élèves les moins intéressés se mettent tout de même au travail en sachant la pression sociale qui s’exercerait sur eux dans le cas contraire.
Toutefois d’autres manières de valoriser l’apprentissage en équipe existent comme par exemple l’organisation de réunions uniquement destinées à l’échange de savoirs entre les étudiant·e·s pour s’assurer que les plus faibles rattrapent le niveau attendu. Ou encore le fait de donner des objectifs différenciés aux étudiant·e·s en fonction de leurs intérêts particuliers. Face à un étudiant très en avance dans la matière on pourra par exemple proposer qu’il anime des séances de tutorat pour d’autres étudiant·e·s plus faibles même s’il s’agit de membres d’autres groupes. Face à un étudiant peu motivé par la matière, il sera intéressant d’essayer d’identifier les raisons de son manque de motivation et de lui proposer des objectifs minimum d’implication à atteindre ou encore de lui attribuer un nouveau rôle plus en adéquation avec ses attentes. Un simple entretien de quelques minutes avec les étudiant·e·s potentiellement problématiques permettra de dégager ce type de difficultés et d’éviter l’installation d’un malaise durable qui pourrait mettre en péril la bonne réalisation du projet tout entier.

Maintenant que vous avez convenablement préparé le terrain pour qu’ils puissent organiser leur travail en toute sécurité, nous allons étudier un autre aspect déterminant d’un apprentissage en équipe réussi ; le rôle que vous pouvez donner aux étudiant·e·s dans la gestion de ce travail en équipe.

Quid du rôle des étudiant·e·s ?

Si le rôle des enseignant·e·s est déterminant dans l’accompagnement de l’apprentissage en équipe, le rôle des étudiant·e·s l’est tout autant. Et il incombe à l’enseignant qui prend alors pleinement son rôle d’accompagnateur, de l’encadrer.

  • Proposer des outils d’auto-gestion de l’apprentissage d’équipe

Pour encadrer l’apprentissage de l’équipe, il peut être intéressant de proposer au groupe des outils d’auto-gestion de cet apprentissage (nous n’employons pas le terme auto-évaluation puisqu’il s’agit d’un sujet à part entière qui sera traité dans la prochaine partie).
Il convient alors de penser ces outils en fonction des compétences que l’on souhaite voir les étudiant·e·s développer et la question à se poser est alors la suivante :
- Question n° 7 : Que doivent apprendre mes étudiant·e·s lors de ce travail en équipe ?
La réponse à cette question dépend bien sûr des compétences qui doivent être développées lors du projet. Si vous cherchez davantage à voir se développer des compétences de gestion de projet que les « softs-skills » directement liés à la bonne conduite d’un travail en équipe les outils que vous devrez proposer aux étudiant·e·s ne seront pas de même nature (nous proposons des modèles de grilles d’auto-gestion téléchargeables à destination des étudiant·e·s à la fin de cet article). A noter que si en répondant à cette question vous réalisez qu’aucun de vos objectifs d’évaluation ne portent sur la question de l’apprentissage en équipe il serait bon d’en ajouter au moins un. Car comme nous le disions dans la partie précédente, la motivation des étudiant·e·s dépend fortement de la valorisation du travail qu’ils fournissent notamment par le biais de la note. Si vous n’évaluez que les compétences techniques que le projet doit développer alors il y a fort à parier que vos élèves se borneront à fournir le minimum demandé et ne s’investiront pas davantage dans le travail d’équipe.

  • Rédiger un contrat d’équipe (cf. modèle à télécharger)

Sans préambule voici la question qu’il convient de se poser maintenant :
- Question n°8 : Mes étudiant·e·s savent-ils comment ils souhaitent travailler et apprendre en équipe ?
Un outil utile pour la bonne tenue de l’apprentissage en équipe, c’est de commencer ce travail par demander aux étudiant·e·s de rédiger un contrat d’équipe. Ce contrat devrait dans l’idéal établir les modalités de travail selon lesquelles le groupe s’engage à réaliser le projet demandé. Il ne fait pas nécessairement partie de l’évaluation mais peut s’avérer un indicateur pertinent pour mesurer la qualité des échanges au sein du groupe dès le démarrage du projet. Ce contrat n’a pas forcément besoin d’être très long ou très détaillé. Il a surtout pour but de mettre les étudiant·e·s dans une attitude réflexive vis-à-vis du travail à réaliser. Vous pouvez leur donner des guides ou des indices pour les aider à le rédiger, comme par exemple, le nombre et la durée des réunions hebdomadaires, la manière dont doivent se dérouler les échanges, la manière dont ils souhaitent gérer les conflits, comment se distribuent-ils les rôles que vous avez préparé et la fréquence à laquelle ils doivent en changer, ou encore la manière de gérer les éventuels passagers clandestins. S’ils s’agit d’étudiant·e·s en début de cursus proposer des choix de réponse peut être une bonne solution pour éviter les blancs ou qu’ils ne se dirigent dans de mauvaises directions. Le contrat d’équipe s’avère un outil de rétroaction efficace pour l’enseignant en cas de conflits ou de difficultés au sein de l’équipe, il peut s’y référer et rappeler à l’équipe les choix qu’elle avait fait au début du projet.

  • Gérer et accompagner le leadership

Qui n’a pas fait l’expérience d’un groupe comprenant un leader charismatique qui s’arroge presque systématiquement le temps de parole et la répartition des tâches ? C’est une des difficultés les plus courantes rencontrées par les étudiants. Ces élèves proactifs sont autant des supports efficaces et des moteurs de travail que des facteurs de démotivation pour les élèves les plus timides qui soit ne se sentent pas au niveau, soit ne voient pas l’intérêt d’en faire davantage pour l’équipe puisque l’un d’entre eux se charge de tout. Paradoxalement, la tâche du leader est souvent vécue comme un surcroît de travail épuisant pour l’étudiant qui se sent obligé de prendre ce rôle mais ne sait pas comment déléguer, par manque d’habitude ou de compétences en communication. Il se peut également qu’aucun leader ne se dégage et alors, l’équipe sombre souvent dans une forme de démotivation généralisée et le travail est effectué souvent en dessous des attentes de l’enseignant quand il n’est pas complètement abandonné avant la fin du projet. Dans les deux cas de figure, il convient alors à l’enseignant de juguler ou d’encourager les phénomènes liées au leadership. Ici la question est simple :
- Question n°9 : Les étudiant·e·s sont-ils en mesure de gérer seuls la répartition du leadership dans leur équipe et comment les y accompagner ?
Pour répondre à cette question, il convient de ce demander ce qu’est le leadership et quand il est positif pour une équipe. Le leadership est défini par les différents auteurs que nous avons étudié comme la capacité d’influencer les autres sans avoir recours à l’autorité. Et de ce fait, il ne peut être exercé que par un seul des membres du groupe. Les autres membres doivent reconnaitre le leader pour sa capacité à atteindre le but commun qu’ils se sont fixés et non par son autorité naturelle ou sa plus grande propension à prendre la parole et à diriger arbitrairement les opérations lors des phases de groupes. Ainsi, en fonction des compétences propres à chaque membres de l’équipe, le leadership peut être partagé par plusieurs membres de l’équipe, dans l’idéal par tous et s’exercer à des moments différents de la réalisation du travail. C’est pourquoi la définition des rôles propres à chacun est importante pour que les étudiant·e·s puissent identifier clairement les compétences propres à chacun des membres de leur équipe. Ainsi, lors de la définition de leur contrat d’apprentissage en équipe, il pourrait être intéressant de les sensibiliser à la nécessité d’imposer un turnover régulier des postes à responsabilité et de veiller à ce que la parole soit équitablement répartie entre les membres de l’équipe. Evidemment, le rôle de l’enseignant·e est ici de veiller lors des observations des groupes à ce que ce travail soit fait et le cas échéant de rappeler au groupe le contrat selon lequel ils ont accepté de travailler. Encore une fois, les outils tels que les grilles d’auto-gestion de l’apprentissage en groupe (cf. documents à télécharger à la fin de l’article) sont des alliées non-négligeables pour vous éviter d’avoir à faire ce genre de rappels.

Impliquer les étudiant·e·s dans la gestion de leur apprentissage en équipe a un double effet bénéfique, il décharge l’enseignant·e d’une partie du travail et il permet aux étudiant·e·s de réellement apprendre à travailler en équipe sur des bases jalonnées. Il leur donne également la réflexivité nécessaire pour identifier en amont les difficultés et l’importance de cet apprentissage. Le travail en équipe n’est alors plus vécu comme une contingence ou un mal nécessaire à la validation d’une unité d’enseignement, mais comme une situation d’apprentissage au même titre qu’un cours en amphithéâtre ou qu’un TD. L’étudiant perçoit alors que travailler et apprendre en équipe s’apprend tout autant que réaliser un site web ou développer une application sous Android. Dans cette logique, nous avons eu l’occasion de parler plus haut de l’importance d’intégrer pleinement l’apprentissage en équipe dans l’évaluation du projet, dans la mesure où les compétences techniques s’apprennent et sont évaluées, les compétences que mobilisent les élèves pour travailler en équipe s’apprennent et doivent être évaluées. Nous verrons dans la partie suivante comment.

Evaluer la qualité du travail du groupe pendant et après le projet

  • Evaluer le produit du travail de groupe

Selon le niveau technique attendu par le produit final de l’équipe de travail, celui-ci prendra une part plus ou moins importante dans le résultat final du groupe. Pour déterminer la manière d’évaluer le résultat, il convient de se poser la question suivante :
- Question n° 11 : Comment les étudiant·e·s vont-ils se répartir le travail d’apprentissage à effectuer co
ncernant les aspects techniques ?
Si vous attendiez que chacun des étudiant·e·s développent l’ensemble des compétences techniques demandées dans le projet alors il faudra mettre en place une évaluation qui vous permette de vous assurer que c’est bien le cas. A l’inverse, s’il était clair que le niveau de complexité des aspects techniques du projet demandaient que les étudiant·e·s se spécialisent dans leurs rôles alors il faudra que l’évaluation s’adapte à cette décision en permettant aux étudiant·e·s « spécialistes » d’être évalués sur des parties spécialisées du projet.

  • Evaluer le processus de travail en équipe

Comme nous l’avons dit plus haut, nous recommandons d’ajouter l’évaluation du processus de travail en équipe à votre évaluation globale surtout si vous essayez de développer chez les étudiant·e·s des compétences claires concernant l’apprentissage en équipe. Penser clairement le processus. Quel que soit le ratio d’importance accordé dans l’évaluation entre les compétences techniques développées et les compétences sociales liées à l’apprentissage en équipe il convient de se poser la question suivante :
- Question n° 12 : Mes étudiant·e·s sont-ils au clair avec les attendus de l’évaluation qui concernent l’apprentissage en équipe ?
En effet, si l’importance des compétences développées lorsque les étudiant·e·s travaillent en équipe n’est souvent pas claire pour les enseignant·e·s, elle l’est souvent encore moins pour les étudiant·e·s qui s’ils ne vivent pas le travail en équipe comme une gageure dès l’abord n’en mesure pas moins l’importance pour le développement de leurs compétences sociales. Dès lors, il est d’autant plus important pour vous de mettre un accent fort sur le rôle que joueront ces compétences et leur capacité à les expliciter lors de l’évaluation finale. Leur travail et leur motivation n’en sera que plus forte dès lors qu’ils seront au clair sur ce que vous attendez et les moyens d’y parvenir.

  • Différentes modalités d’évaluation

La question suivante paraît presque évidente, mais il n’est pas rare que les enseignant·e·s oublient de se la poser avant de concevoir leur évaluation :
- Question n°13 : Comment vais-je évaluer l’apprentissage en équipe ?
Ici de nombreuses méthodes existent et aucune n’est meilleure que les autres. Elles peuvent également se mélanger pour fournir une couverture plus efficace de l’appréciation du développement des compétences des étudiant·e·s dans leur travail en équipe. Certaines sont plus chronophage que d’autres et c’est pourquoi nous allons lister maintenant leurs différents avantages et inconvénients :
Premièrement l’évaluation individuelle, souvent difficile dans un travail de groupe puisqu’elle suppose de rencontrer les étudiant·e·s individuellement. Ce type d’évaluation est toutefois possible à moindre frais en proposant lors de l’évaluation finale, comme lors d’une présentation en demandant aux étudiants de présenter succinctement un élément de leurs approfondissements personnels sur le projet. Cet approfondissement peut porter sur la technique, la gestion du projet ou l’apprentissage du groupe et pourra pondérer le résultat individuel de l’élève par rapport au résultat du groupe. Attention toutefois à ne pas prendre les étudiants au dépourvu en leur présentant cette modalité d’évaluation dès le début du projet et en leur précisant bien qu’elle doit faire partie intégrante de leur présentation finale.
Ensuite vient l’évaluation du travail en équipe. Comme nous l’avons dit plus haut, il doit dans l’idéal porter aussi bien sur la qualité du livrable produit par les étudiants que sur la qualité du processus d’apprentissage en équipe. Libre à l’enseignant d’identifier le ratio qui lui semble alors idéal en fonction de ses priorités, sachant que plus le processus de travail en équipe sera valorisé, plus la motivation des étudiants à s’engager dans le travail en commun sera fort. En effet, cette technique permet de prévenir l’apparition des passagers clandestins puisque les étudiants savent dès le début du projet qu’ils seront évalués sur la manière dont ils se sont répartis le travail autant que sur la qualité technique de leur production finale. Cette évaluation peut se conduire de manière multiple en croisant les appréciations du groupe sur leur prestation (cf. les outils d’auto-gestion mentionnés plus haut qui permettent un bon niveau de réflexivité chez les étudiants sur la qualité d’ensemble de leur travail), et les observations des tuteur·e·s et enseignant·e·s. Il est important pour l’enseignant·e de responsabiliser individuellement chaque membre de l’équipe pour l’encourager à s’intéresser autant aux apprentissages de l’équipe qu’au produit final. La note attribuée au groupe devient le reflet de l’apprentissage de toute l’équipe et non plus la somme des apprentissages individuels. Le besoin de pondération pour différencier les étudiants plus méritants et ceux qui se sont moins investis devient alors moins nécessaire.

Il est également possible d’envisager une évaluation mixte, prenant en compte les apprentissage de l’équipe et ceux des individus. Il est donc possible d’attribuer une note individuelle et une note de groupe si le temps et les modalités d’évaluation le permettent. Encore une fois nous n’insisterons jamais assez sur l’importance d’être transparent sur le poids respectif de chacune des évaluations car si les étudiants pensent qu’ils gagneront plus de points en travaillant seuls il y a fort à parier qu’ils ne s’investiront pas fortement dans le processus d’apprentissage en équipe et que le travail du groupe s’en ressentira. Pour éviter cet effet de bord dans le cas d’une évaluation mixte la note d’un·e étudiant·e peut être la somme de sa note personnelle et de la note globale du groupe. Il est également envisageable d’ajouter un bonus si tous les membres de l’équipe atteignent un certain niveau d’apprentissage. Ainsi les étudiant·e·s les plus performant·e·s ne seront pas tenté·e·s de faire cavalier seul.

Enfin, il est possible de retirer une partie du poids de l’évaluation des épaules des enseignant·e·s en proposant une évaluation par les pairs. Cette méthode a fait ses preuves en matière de motivation et s’applique bien sûr très bien à l’évaluation de l’apprentissage en équipe. Il convient toutefois de bien respecter les étapes précédentes pour prévenir le manque de solidarité et les risques de règlements de compte qu’impliquent parfois une évaluation par les pairs. Une des manières les plus courantes et les plus simples de faire cela est de proposer un certain nombre de points à partager entre les membres de l’équipe en fonction de l’implication ressentie de chacun des membres. A noter qu’il faut bien préciser aux étudiants que ces points ont valeur de bonus et doivent faire l’objet d’une décision commune. Il s’agit de reconnaître l’implication supérieure d’un des membres le cas échéant pas de plomber la note d’un élève peu impliqué (dans ce cas ils doivent en référer à l’enseignant·e responsable du groupe). A noter également que pour que cette évaluation par les pairs soit efficace, il faut que la note du groupe soit supérieure à la moyenne car si ce n’est pas le cas, les étudiants prendront difficilement la décision de mettre l’un de leurs camarade en échec et refuseront probablement de participer à la distribution des points.

Vous voilà maintenant solidement équipés pour accompagner vos étudiants dans leurs apprentissages en équipe et prévenir les difficultés les plus courantes qu’ils seront amenés à rencontrer. En répondant à ces onze questions vous êtes sûrs de vous prémunir efficacement contre ces écueils qui entachent souvent autant le travail des étudiant·e·s que celui des enseignant·e·s. N’oubliez pas de télécharger les modèles de grilles d’auto-gestion et de contrat d’apprentissage en équipes fournis à la fin de l’article (bien sûr, les documents sont sous licence Créative Commons, n’hésitez donc pas à les partager, à les modifier pour qu’ils correspondent à vos besoins et à nous informer des modifications que vous leur apportez pour améliorer le travail commun) et de consulter les références de la bibliographie si vous souhaitez prolonger l’expérience et approfondir vos connaissances ! Au plaisir de vous retrouver pour un prochain article sur Innovation Pédagogique !

Pour aller plus loin, voici notre bibliographie (bonne lecture) :
Caroline Verzat - Accompagner des étudiants (DeBoeck. 2010)
Ina Motoi et Louise Villeneuve - Guide de résolution des conflits dans le travail en équipe (Eyrolles. 2010)
Benoit Raucent - Etre enseignant, Magister ? Metteur en scène ? (DeBoeck. 2006)

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